Le 25 janvier 2013, une lettre de cadrage signée conjointement par Madame la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé et Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche annonce la reconnaissance du diplôme d’Etat de Masseur Kinésithérapeute  (DEMK) au grade de Licence.

Une précision concerne les étudiants qui auraient suivi une année universitaire préalable à leur intégration à l’Institut de Formation en Kinésithérapie (IFMK), ou qui auraient effectué une année préparatoire dans un Institut conventionné avec une Université, qui se verraient attribuer 60 « european credits transfert system » (ECTS).

« L’inscription des professions paramédicales, [catégorie dans laquelle la Kinésithérapie reste aujourd’hui rattachée,] dans le cadre du dispositif Licence Master Doctorat, LMD constitue une perspective positive, légitime et  fructueuse », déclare la mission IGAS d’octobre 2008[1].

Mais le dispositif LMD ne constitue une avancée que dans la mesure où il autorise :

  •  les passerelles entre formations, donc la possibilité d’une réorientation professionnelle pour

ceux qui souhaitent de ne pas être enfermés à vie dans une profession ;

  • la possibilité de reprendre des études et de se spécialiser après un certain temps d’exercice,

donc d’évoluer dans sa carrière et son exercice professionnel ;

  • la mobilité en cours de formation initiale ou ultérieure, soit sur le territoire national, soit dans

l’espace européen ;

  • la garantie de qualité dans les connaissances transmises grâce au vivier de l’université, à son

potentiel de recherche et aux échanges entre disciplines qu’elle peut faciliter.

Il est aussi l’occasion d’amélioration de la formation :

« La mise en œuvre du processus de Bologne pour les professionnels de santé représente, en effet,

l’occasion de revisiter le contenu et les méthodes de formation des professionnels avec pour objectifs :

– l’amélioration de la qualité de l’enseignement et du contenu des formations en y intégrant

à la fois des disciplines fondamentales enseignées sous un angle plus universitaire -tenant

compte des dernières avancées scientifiques-, ainsi que des disciplines de sciences

humaines ;

 – le partage entre professionnels de différentes filières d’un certain nombre d’enseignements

notamment en économie, éthique et sciences humaines, afin qu’ils acquièrent un langage

et une culture communs;

 – le décloisonnement des différentes filières d’études médicales et paramédicales en

permettant l’instauration de passerelles grâce à la validation des crédits ECTS ;

 – la préparation des professionnels à un processus d’amélioration permanente de leurs

savoirs et de leurs pratiques en les sensibilisant à la recherche documentaire et à l’analyse

de publications ;

 – la conception de formations de niveau supérieur (masters 1 ou 2) permettant aux

professionnels d’évoluer vers des compétences plus étendues en matière de soins et de

pratiques de santé publique et d’accéder ainsi à de nouveaux métiers ;

 – la possibilité pour les professionnels de santé de s’engager, avec la mise en place d’un

doctorat, sur un parcours d’enseignement ou de recherche en soins, et par là-même le

développement en France d’une recherche clinique actuellement quasi-inexistante. » [2]

Le regard porté par ce rapport IGAS sur les professions paramédicales semble néanmoins souffrir de ce qu’il se focalise sur la seule profession d’infirmier(e), et que l’analyse et les conclusions amènent à une généralisation des réponses qui n’est pas forcément le reflet de la réalité de terrain.

Si en effet la moitié des élèves infirmières sont en possession d’un bac professionnel ou sont des aides soignantes admises au titre de la formation professionnelle, la quasi totalité des étudiants en kinésithérapie sont détenteurs d’un bac général(99%), à plus de 90% scientifique, et obtenu avec mention,  recrutés à 46% par le biais de la PACES, pour 45% intégrés après 1 ou 2 années de classe préparatoire, pour 6%,  après un cursus d’études supérieures, dont 2,3% de niveau L3.[3]

L’admission directe dans les IFMK est néanmoins toujours théoriquement possible en post bac, et les étudiants qui réussissent cette performance remarquable sont de fait pénalisés par cette lettre de cadrage, puisqu’ils ne comptabiliseront, en fin de cursus, que 180 ECTS, et ce uniquement dans l’hypothèse (non systématique), d’une convention entre l’IFMK qui les aura formés et l’Université.

Ils ne disposeront, dans le cas inverse, que d’un diplôme d’Etat strict, délivré par le Ministère de la Santé, ce qui introduit une différenciation entre les praticiens autorisés à exercer. Ces recrues de choix n’auront pas la possibilité de poursuivre en Master, a fortiori en thèse.

Le maintien de cette formation professionnelle dans le cadre étriqué de 3 années d’études, défini par le décret du 28 mars 1969, alors que la durée des enseignements doit encore probablement augmenter [4] pour répondre aux exigences de santé publique, interdit de fait un apprentissage de connaissances, théoriques et pratiques, le développement de compétences de réflexivité, de capacité d’analyse et d’esprit critique, qui permettent de proposer aux patients des actes en fonction d’une situation, de maîtriser les techniques d’évaluation et de conception de ces actes.

La licence a pour objectif de former des techniciens, applicateurs de techniques, stade depuis longtemps dépassé par les MK, ce qui a bien été perçu par le législateur. Cette décision entre en contradiction avec l’évolution de la règlementation encadrant l’exercice professionnel: le décret d’acte et d’exercice[5], et l’arrêté du 04 octobre 2000[6] introduisent le caractère facultatif de la précision qualitative et quantitative de la prescription médicale de kinésithérapie.

Les kinésithérapeutes (MK) déterminent pourtant avec le patient le contenu la séance qui leur sera proposée au regard des conclusions de leur diagnostic kinésithérapique. Ils peuvent éventuellement prescrire un certain nombre de dispositifs médicaux[7].

Les priorités d’aujourd’hui et de demain en termes de santé publique laissent penser que la kinésithérapie est amenée à occuper une place centrale dans l’accompagnement des patients atteints de pathologies chroniques (AVC, BPCO…), des personnes âgées et/ou dépendantes qu’il convient, tant sur le plan humain, médical, que sur le plan économique, de maintenir le plus longtemps à domicile.

Les constats et les projections sur la démographie médicale, largement partagés, concluent au besoin de recourir à des corps professionnels intermédiaires articulant leurs activités en collaboration avec les médecins recentrés sur leur cœur de métier.

L’exigence incontournable d’une qualité des soins et d’une sécurité des patients trouve comme corolaire la capacité à développer une filière de recherche spécifique à ce qui apparait évoluer vers une discipline complémentaire de la médecine. La coexistence de Master 2 Recherche en Kinésithérapie et de Master Professionnels  (pratiques avancées) semble facilement envisageable.

C’est aussi à ce prix que les pratiques éprouvées se distingueront des pratiques déviantes, voir sectaires, dont l’ensemble des acteurs du monde de la santé, comme du monde politique et institutionnel, ne peut que redouter la montée en puissance.

Garantir l’accès à tous à des soins de qualité conformes aux données actualisées de la Science, garantir la sécurité des patients, des usagers de la santé constituent les questions centrales des institutions ordinales.

Je souhaiterai donc pouvoir m’entretenir directement avec vous de ces préoccupations, à l’occasion d’un rendez vous que vous auriez l’amabilité de m’accorder.

Dominique PELCA

Président


[1] Rapport N°RM2008-081P/ IGAENR 2008-068

[2] Ibidem

[3] DRESS, la formation aux professions de la santé en 2010, n°165-février 2012, p29-32

[4] Travaux de réingénierie

[5] 96-879 du 8 octobre 1996, modifié par le décret 2000-577 du 27 juin 2000, inséré dans le code de la santé publique

[6] JORF 231 du 5 octobre 2000, p15763

[7] Arrêté du 09 janvier 2006